Le choix de la musique en temps de confinement

Il m’est apparu essentiel pour pouvoir continuer à enseigner la musique d’en retrouver l’origine et le sens. Je partage avec vous mes questionnements et mes recherches, ce qui donne du sens à l’apprentissage de la musique dans cette société bouleversée, choquée. Comment continuer, ou repartir, modifier, ajuster ou encore tout changer : choisir ce qui semble indispensable à la vie.

Quelle place pour la musique, l’éducation dans cette période troublée ?

La musique c’est notre fil d’Ariane. Elle existe depuis la nuit des temps. Elle accompagne les humains et fait partie de leur Histoire. Depuis le chant et les percussions qui sont les premières manifestations musicales jusqu’à la confection d’instruments beaucoup plus sophistiqués. La musique est donc présente, sans interruption, dans toutes les civilisations et ce, depuis toujours.

Pourquoi a-t-elle une place aussi importante ? C’est parce qu’elle est essentielle dans la vie sociale. En effet, la musique suscite le chant et la danse, elle est l’indispensable accompagnement des circonstances les plus diverses : cérémonies religieuses ou païennes (mariages, enterrements, défilés, processions…), rituels incantatoires, activités quotidiennes (extérieures ou intérieures, privées ou publiques), divertissements (bals, banquets, concerts…)…

Nous savons aujourd’hui quelle importance la musique a sur le développement de notre cerveau. En effet, plus qu’aucune autre activité, la musique met en relation des régions très diverses de notre cortex cérébral car c’est tout notre mental qui est sollicité : notre sensibilité, notre mémoire, notre imagination, notre rationalité,…La musique contribue donc à l’équilibre physique et psychologique mais aussi permet de développer l’attention, la concentration, la confiance en soi, l’esprit critique, la curiosité, la capacité d’analyse, l’écoute des autres,…

Nous ne pouvons pas parler de la musique sans penser plaisir, émotion, moyen d’expression ! En effet, l’écoute de la musique libère de la dopamine dans le cerveau, cette hormone de bonheur essentielle à toute forme d’apprentissage. 

On pourrait essayer de nous faire croire que la musique est une marchandise et que comme telle, en effet, ce n’est ni nécessaire, ni indispensable. Seulement, comme nous venons de le voir, la musique est bien autre chose. A toutes les époques, les philosophes ont écrit à son propos. Voila comment le philosophe Vladimir Jankélévitch s’exprime à propos de la musique: « La musique, à la différence du langage, n’est pas entravée par la communication du sens préexistant qui déjà leste les mots ; aussi peut-elle toucher directement le corps et le bouleverser, provoquer la danse et le chant, arracher magiquement l’homme à lui-même. » (Quelque part dans l’inachevé).

Maintenant que nous nous sommes remémorés l’origine et l’importance de la musique dans l’Histoire des êtres humains, il est donc essentiel de pouvoir transmettre ce patrimoine aux générations futures. La musique comme moyen d’éducation ! 

Si l’éducation c’est la transmission par le plaisir, l’évolution des êtres humains, le développement et l’enrichissement de soi, la culture, la capacité de tisser des liens, de vivre ensemble, de s’écouter, … alors, l’apprentissage de la musique est éducation ! Quand nous sommes en charge de l’éducation d’enfants ou d’adolescents, la musique semble être un excellent moyen de transmettre des valeurs altruistes, de développement et de confiance en soi, valeurs fondamentales s’il en est.

Le fondateur de la pédagogie Suzuki disait : « Mon intension n’est pas de créer des prodiges, mais plutôt de développer des capacités chez les enfants grâce au violon ».

Pouvons nous penser un instant que toutes ces valeurs ne soient pas primordiales de nos jours (même si nous n’en entendons parler nulle part). Nous avons devant nous une période d’incertitude que je préfère appeler de transition. Nous avons beaucoup entendu que « la vie ne serait plus jamais comme avant ». Ce qui m’intéresse ici, c’est maintenant : que faisons nous ? Après une période où chacun a « vécu » comme il a pu, où chacun a fait son maximum pour que cette période de confinement se passe au mieux, et je pense principalement aux parents en charge de l’équilibre de leur famille, il vient maintenant une période où l’on doit donner du sens à nos actes. Se rappeler de nos origines, nos priorités, nos idéaux et construire pas à pas notre futur. Nous sommes dans une période de gestation, c’est-à-dire de création, nous sommes en charge de créer de nouveaux modes de fonctionnements. Ceci passe par l’exploration, l’expérimentation mais sans oublier pour quoi, pour qui et où nous voulons aller. Cette période non définie ne doit pas nous faire oublier que nous sommes des humains au service d’autres humains.

Cette année va donc surement être différente dans sa forme, mais le fond reste le même. L’éducation de la jeunesse à travers l’apprentissage du violon. Le plaisir de se retrouver, de jouer ensemble, de s’écouter, de partager des émotions, voilà le beau programme de cette reprise un peu spéciale. Il va surement nous falloir être inventif pour nos concerts, peut-être trouver de nouveaux lieux, de nouvelles formes mais nous avons besoin de nous retrouver pour partager la musique !